"Aménagement du territoire :
plus que jamais une nécessité"
L'extrait ci dessous est tiré de la conclusion du rapport d'information de Hervé MAUREY et Louis-Jean de NICOLAY, intitulé "Aménagement du territoire, plus que jamais une nécessité", rédigé au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du SENAT et déposé le 31 mai 2017.
Éditorial du Sénateur
hon. Yves Dauge pour la publication des
"ORIENTATIONS DE L’AIDE
FRANÇAISE EN FAVEUR DE
LA REVITALISATION DES QUARTIERS HISTORIQUES
POUR DES VILLES DURABLES: CULTURE ET PATRIMOINE,
SOCLE D’UNE URBANITÉ
SOUTENABLE"
Partenariat français
pour la ville et les territoires (PFVT)
Combien de notes, de rapports faudra-t-il pour qu'enfin le problème soit posé clairement au regard de la révolution numérique en cours et des conséquences sur les territoires ?
Il y a 22 ans, en 1998, le Ministère de la culture me demande de le représenter dans le cadre du débat interministériel lancé par le gouvernement, considérant "l'urgence d'une réforme des politiques d'aménagement du territoire".
Vous trouverez ci dessous la note que j'ai écrite pour ce groupe de travail, avec l'aimable participation de Madame Françoise Choay: des propos écoutés poliment mais pas entendus.
Cette note fut ensuite diffusée aux étudiants de l'Ecole de Chaillot dont j'étais à l'époque le directeur.
AMÉNAGEMENT DURABLE DU TERRITOIRE ET DE L'ESPACE
RÉFLEXION LIMINAIRE
La relance du débat sur l'aménagement du territoire est le signe que les citoyens et leurs élus éprouvent un malaise croissant à l'égard des solutions adoptées. Sans doute est-ce que les problèmes ne sont pas résolus et, davantage, qu'ils sont mal posés.
Les changements espérés trouvent leur raison d'être mis en oeuvre dans l'évolution profonde de nos rapports à « l'espaces». La notion même de territoire perd régulièrement un peu de son sens et il me semble nécessaire d'essayer d'en mesurer les limites, en préambule à ce débat.
L'étude révèle, en particulier, un fait sous estimé ou méconnu : l'ampleur de la mutation technique à l'oeuvre depuis les années 1960 et son retentissement sur nos comportements psycho-sociaux, aussi bien que sur notre environnement. Le développement des mémoires artificielles et des télécommunications couplé à celui des transports ultra rapides, conduit à l'instauration d'un équipement de réseaux techniques qui recouvre de plus en plus totalement la planète et la transforme en un espace isotrope global.
Une nouvelle logique d'aménagement se développe ainsi, une logique de branchement qui permet de greffer n'importe où, sur les réseaux, au mépris des lieux physiques ou naturels, n'importe quels éléments bâtis, petits ou gigantesques, devenus des objets techniques autonomes. Cette nouvelle logique est présentée comme un progrès, le symbole de notre époque, un garant de modernité. Mais dans le même temps elle est devenu hégémonique, elle se présente comme exclusive, devant à terme éliminer l'ancienne logique d'articulation d'un bâti dont les éléments sont solidarisés et liés à un contexte, conçus à une échelle locale et humaine.
De telles attitudes radicales ne vont pas sans poser de graves problèmes sociaux : il est aujourd'hui impossible pour la grande majorité des citoyens de concevoir la disparition des limites et des repères qui marquent le territoire et les lieux qui le composent. Considérer sans discernement que cette logique est le seul progrès possible en matière d'aménagement du cadre de vie et vouloir en imposer les règles à toutes les échelles est une erreur. Lorsque cette tendance aborde l'échelle dite « humaine », elle se heurte à une profonde résistance de la population.
Malgré quelques exceptions qu'il serait intéressant d'analyser sous cet angle, on constate de plus en plus de réactions de défense des citoyens face aux projets d'aménagement et de méfiance face aux outils avec lesquels ils sont conçus. Une consultation des habitants de nos agglomérations comme de nos campagnes sur la connotation qu'ils donneraient aux mots « zone », « urbanisme » ou « béton » révèlerait sans doute, le malais ambiant. Le mépris dominerait lorsqu'il n'est pas voilé par l'hypocrisie ou l'évocation facile de la fatalité.
Le caractère réducteur et dangereux de l'hégémonie des réseaux est attesté aujourd'hui par une inflation mondiale et spectaculaire de la préservation des milieux anciens ou traditionnels, qu'il s'agisse de villes ou de paysages agraires. De plus en plus, ces milieux apparaissent comme les supports d'une identité sociale ou sociétale. Le nombre de « protections » à divers titres (sites, monuments, paysages, quartiers anciens, littoral, montagne,...) a considérablement augmenté et la notion de Patrimoine s'élargit à des lieux et à des édifices dont l'intérêt n'était récemment pas évident . Notre société exprime ainsi, à l'échelle des « lieux de vie », le besoin de se protéger contre ses propres aménagements jugés trop souvent agressifs. Cette demande de patrimoine n'est pas une vaine nostalgie mais une réaction de défense. Il est capital d'en tenir compte et d'en approfondir la conscience.
C'est en partant de tels constats, à l'écoute des habitants, qu'il me semble nécessaire de mener la réflexion. Les propositions doivent répondre aux attentes des citoyens, au-delà des habitudes et des préoccupations sectorielles qui sclérosent les services.
D'autres chiffres, d'autres témoignages pourraient venir illustrer l'évolution fondamentale qui tend à différencier en fonction de l'échelle nos modes d'approche de l'espace. Il est aujourd'hui nécessaire de prendre en considération ce phénomène afin d'étudier des solutions appropriées à chacune des deux dimensions et les articulations possibles.
Alain MARINOS
le 25 mai 1998
avec la participation de Madame Françoise CHOAY
DEVELOPPEMENT LOCAL, DEVELOPPEMENT SOUTENABLE
Cette rubrique introduite par les constats qui précèdent sur l'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE regroupe des documents relatifs au DEVELOPPEMENT LOCAL sans lequel il n'est pas possible de concevoir un DEVELOPPEMENT SOUTENABLE (traduction exacte de l'anglais "sustainable development", c'est à dire "qui peut se supporter, d'endurer").
Mises en parallèle, ces 2 photos illustrent les citations qui suivent relatives aux rapports entre nature et culture: "" On n'attache plus guère aujourd'hui de signification historique à la distinction entre un prétendu état de nature et l'état de société et de culture. ..." :
1/ Ouest Bretagne ( France)
2/ Entre la Mongolie et Pékin (Chine)
Citations:
de Claude Lévi-Strauss ...
" On n'attache plus guère aujourd'hui de signification historique à la distinction entre un prétendu état de nature et l'état de société et de culture.
On sait bien qu'il est vain en fait et injustifié en droit de rechercher un stade pré-culturel, autour duquel l'homme, "en l'absence de toute organisation sociale, n'en aurait pas moins développé des formes d'activité qui sont en partie intégrante de la culture" ( Lévi Strauss, Les structures élémentaires de la parenté. PUF).
C'est malheureusement pourquoi on a fréquemment "naturalisé" la société et la culture: faute de pouvoir expliquer la société en la faisant sortir du pré-social, on a considéré que la société était elle-même "naturelle", que la vie sociale était un fait premier sur lequel il n'y avait pas à s'interroger .
Pourtant, on ne peut rien comprendre aux phénomènes sociaux si on commence par nier l'opposition, au moins logique, entre l'ordre naturel et l'ordre culturel."
Claude Lévi Strauss "Race et histoire" - folio essais Denoël - UNESCO 1952
"La nature se caractérise par son universalité, alors que le propre de la culture est d'être particulière. Les particularismes de chaque culture (je cite…) «créent les valeurs (...) qui donnent son prix à la vie»."
« De près et de loin » : Claude Lévi Strauss et Didier Eribon, éditions Odile Jacob et
« Race et culture » : conférence prononcée à l'invitation de l'UNESCO par Claude Lévi Strauss le 22/03/1971
" A la fin de Race et histoire , je soulignais un paradoxe. C’est la différence des cultures qui rend leur rencontre féconde. Or ce jeu en commun entraîne leur uniformisation progressive : les bénéfices que les cultures retirent de ces contacts proviennent largement de leurs écarts qualitatifs ; mais, au cours de ces échanges, ces écarts diminuent jusqu’à s’abolir. N’est-ce pas ce à quoi nous assistons aujourd’hui ? (…) Que conclure de tout cela, sinon qu’il est souhaitable que les cultures se maintiennent diverses, ou qu’elles se renouvellent dans la diversité ? Seulement il faut consentir à en payer le prix : à savoir, que des cultures attachées chacune à un style de vie, à un système de valeurs, veillent sur leurs particularismes ; et que cette disposition est saine, nullement – comme on voudrait nous le faire croire – pathologique. Chaque culture se développe grâce à ses échanges avec d’autres cultures. Mais il faut que chacune y mette une certaine résistance, sinon, très vite, elle n’aurait plus rien qui lui appartienne en propre à échanger. L’absence et l’excès de communication ont l’un et l’autre leur danger."
C. Lévi-Strauss, De près et de loin, Paris, Points-Seuil, 1990
... et du Pape François
" Il y a, avec le patrimoine naturel, un patrimoine historique, artistique et culturel, également menacé. Il fait partie de l’identité commune d’un lieu et il est une base pour construire une ville habitable. Il ne s’agit pas de détruire, ni de créer de nouvelles villes soi-disant plus écologiques, où il ne fait pas toujours bon vivre. Il faut prendre en compte l’histoire, la culture et l’architecture d’un lieu, en maintenant son identité originale. Voilà pourquoi l’écologie suppose aussi la préservation des richesses culturelles de l’humanité au sens le plus large du terme. D’une manière plus directe, elle exige qu’on fasse attention aux cultures locales, lorsqu’on analyse les questions en rapport avec l’environnement, en faisant dialoguer le langage scientifique et technique avec le langage populaire. C’est la culture, non seulement dans le sens des monuments du passé mais surtout dans son sens vivant, dynamique et participatif, qui ne peut pas être exclue lorsqu’on repense la relation de l’être humain avec l’environnement."
Extrait de l'encyclique « Laudato si » sur « la sauvegarde de la maison commune »; chapitre « Ecologie culturelle » (paragraphes 143-146),
PLAN NATIONAL du Sénateur h.
Yves Dauge
Remise du rapport de M. Yves Dauge au Premier ministre
1 février 2017- communiqué
Remise au Premier ministre du rapport de Monsieur Yves Dauge : "Plan
national en faveur des nouveaux espaces protégés"
Monsieur Yves Dauge, ancien sénateur et maire de Chinon, a remis au Premier ministre Bernard Cazeneuve son rapport de mission sur la mise en œuvre d’un "Plan national en faveur des nouveaux
espaces protégés" en présence de la ministre de la Culture et de la Communication, Audrey Azoulay, du ministre de l’Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales,
Jean-Michel Baylet, de la ministre en charge du Logement et de l’Habitat durable, Emmanuelle Cosse, et de la secrétaire d’Etat chargée des Collectivités territoriales, Estelle Grelier.
Le Premier ministre, Manuel Valls, avait confié à Yves Dauge, le 15 avril 2016, une mission destinée à définir les contours d'un plan national d'accompagnement de la mise en œuvre des sites patrimoniaux remarquables, nouveaux espaces protégés créés par la loi liberté de la création, architecture et patrimoine (LCAP). L'objectif était de trouver les moyens pour que ces quartiers anmiens soient des instruments de revitalisation des territoires, de mixité sociale et de lutte contre l’étalement urbain. ( ... )
La suite grace à ce lien ou en téléchargeant le document ci dessous:
http://www.gouvernement.fr/partage/8847-remise-du-rapport-de-m-yves-dauge-au-premier-ministre-bernard-cazeneuve
"Déclin et survie des grandes villes américaines", de Jane Jacobs, Ed. Parenthèses.
Extrait : LE MONDE | 18.09.2012 - Par Grégoire Allix (Livre du jour)
« … Le rejet du zonage et de l'étalement urbain, comme le retour en grâce de la rue, figurent désormais en bonne place dans la boîte à outils de l'urbanisme "durable". Pourtant, des écoquartiers sobres et verts aux réalisations du New Urbanism, qui prétend donner à la ville l'aspect nostalgique des villages d'antan, on peine à retrouver cette "intensité" chère à Jane Jacobs.
Peut-être parce que les urbanistes n'ont pas renoncé à accoucher d'une ville idéale, d'un produit fini. "En matière d'urbanisme, le résultat réside dans les moyens (ne pourrait-on pas aujourd'hui parler de « process » ?) plus que dans la fin, parce qu'il n'y a pas de fin...", indiquait Jane Jacobs en 1999 à sa traductrice, Claire Parin. Tout est dit... »
4 mai 2016 : Google - 100e anniversaire de la naissance de Jane Jacobs
La revitalisation des centres-villes est un enjeu majeur
" La revitalisation des centres-villes est un enjeu majeur : le nombre de locaux vides s’accroît, les taux de vacance atteignant 15 % à 20 % dans certains cas. Les solutions proposées par de nombreuses villes coûtent cher aux contribuables et ne sont pas à la hauteur des enjeux. Elles ne répondent pas à la transformation en cours des modes de vie et de travail ..."
Extrait de l'article ci-dessous publié dans " La Gazette des Communes" ( lagazette.fr ). Retrouvez la version numérique du 27 mars 2017 grâce à ce lien:
Photo de l'entrée des Grands Voisins (AM 01-1027)
« DE NOUVELLES MANIERES DE FAIRE LA VILLE »
« L’urbanisme temporaire s’affirme aujourd’hui comme une solution pour tirer profit des temps de vacance des projets urbains. Cette pratique permet d’intégrer les citadins dans la période de transition urbaine, de prendre en compte de nouveaux usages, générant ainsi des pratiques inédites. Davantage que de simples parenthèses opposées au projet définitif, ces interstices peuvent devenir des supports d’action et de réflexion salutaires pour expérimenter de nouvelles manières de faire la ville. ». Ces propos extraits des conférences-débats « Meet-up urbanisme temporaire » qui se sont déroulés au Pavillon de l'Arsenal » (Paris) le jeudi 24 novembre 2016 ( lien :
http://www.pavillon-arsenal.com/fr/conferences-debats/cycles-en-cours/hors-cycle/10507-meet-up-urbanisme-temporaire.html ) rejoignent ceux développés dans la conférence "CHANGER DE PARADIGME" ("SHIFTING PARADIGM") illustrée ci après ( Voir également la rubrique 15/CONFERENCES).
Un exemple remarquable , les Grands Voisins dans le 14ème arrondissement de Paris, un projet d'urbanisme temporaire I Réver(cités ...
Ces nouveaux enjeux et ces initiatives qui émergent des grandes villes sont réinterprétés pour revitaliser les centres des petites villes et les territoires ruraux : voir: INTERVIEW : ÉCONOMIE DU PARTAGE ET FABLABS RURAUX
11 novembre 2016
http://www.net-village.org/fablab/?p=3986
( cf. rubrique 1/DEVELOPPEMENT LOCAL)
"Quand les friches se transforment en laboratoires de la ville".
un excellent article dans LE MONDE | 09.06.2017 | Par Laetitia Van Eeckhout
accessible grâce à ce lien:
http://www.lemonde.fr/smart-cities/article/2017/06/09/quand-les-friches-se-transforment-en-laboratoires-de-la-ville_5141230_4811534.html
EXTRAIT: "Sous les coulées de lave de l'urbanisation contemporaine, survit un patrimoine territorial d'une extrême richesse, prêt à une nouvelle fécondation par de nouveaux acteurs sociaux capables d'en prendre soin: processus déjà en voie d'émergence, surtout là où l'écart entre la qualité de vie et la croissance économique est le plus flagrant. C'est dans une telle rencontre entre patrimoine et énergies novatrices, c'est dans une telle culture de la valorisation des ressources du milieu par ses habitants que réside la clef stratégique d'un développement soutenable, et non dans quelques prothèses techniques supplémentaires."
EXTRAIT: "Mon propos peut être entendu au prisme de pensées conflictuelles, les anti contre les pro-urbains. Ou même d’une somme de poncifs : l’urbain serait l’avant-garde ; le suburbain, le lieu de l’exclusion ; le périurbain, celui du nationalisme ; le rural, le désert. L’objectif est de s’en défaire pour élargir la réflexion et appréhender la totalité du territoire. Ré-ouvrons les cartes."
EXTRAIT: Lorsque qu’on recherche le mot culture dans le texte de la loi Grenelle I, on trouve vingt occurrences : il est cité dix-sept fois dans « agriculture », une fois dans « sylviculture » et deux fois au sujet des « cultures de protéagineux et autres légumineux » puis des « cultures dites mineures » à propos de la réduction des usages des biocides. Quant au mot architecture, il est introuvable ! La réalité le montre : dans le texte et hors du texte. L’architecture flotte à présent dans un « quelque part » flou, entre une technique hégémonique (HQE, Passif, BBC, photovoltaïque, puits canadien, double flux, isolation par l’extérieur, Ubat, etc.) et un destin de ville présenté sous le seul horizon métropolitain. On ne peut qu’en être accablé. Pourquoi est-ce possible ? Sans doute parce que l’hégémonie de la réponse technique à la crise environnementale court-circuite la culture."
EXTRAIT: "Un des éléments les plus marquants de notre enquête est sans aucun doute la fierté et le fort sentiment d’appartenance au territoire des dirigeants et de leurs salariés. D’après ceux ayant des expériences passées dans d'autres régions, " Ici, on s’approprie le territoire comparé à la région parisienne ". L’entreprise fait partie intégrante des lieux et ne peut s’en extraire au sens ou` le territoire constitue une variable non négligeable de la réussite entrepreneuriale ( ... ) Plus les entrepreneurs évoluent dans un marché globalisé, plus ils passent de temps a` voyager à travers le monde, plus ils expriment ce besoin de " local ":
" Mon entreprise a besoin de racines pour avoir des ailes ". Cette expression traduit bien la nécessité de bénéficier de repères."
... ou comment les moyennes et petites villes (celles qui ne sont pas désignées comme "métropole") peuvent-elle continuer d'exister dans un système de plus en plus mondialisé . Image extraite du Mensuel du Morbihan n°132
En marge du sujet, il est utile de rappeler, par ces citations de Claude Lévis Strauss, les enjeux qui conduisent à considérer aujourd'hui la culture comme
le quatrième pilier du développement durable.
A méditer, aujourd'hui plus que jamais, ces trois autres citations de
Claude Lévi-Strauss.
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