Le graphique ci-dessus, réalisé par Fabienne Goux Baudiment en "introduction à la prospective", illustre la vitesse exponentielle du changement dans un contexte de plus en plus mondialisé.
Que constate-t-on aujourd'hui ? Plus notre société avance dans la globalité, plus la tradition et le patrimoine (local) suscitent l’intérêt. Passé le seuil d’accélération atteint ces dernières décennies, le besoin de temporiser devient vital pour permettre de continuer l'évolution, de la rendre viable.
L’expression de ce besoin s’explique par la recherche d'un équilibre dans un mouvement en accélération progressive.
Autrement dit, l’accélération croissante des évolutions globalisantes devient de plus en plus difficilement supportable pour la grande majorité des populations, notamment en période de crise. Elle rompt l’équilibre et met en cause jusqu’aux modes de vie en société.
De plus en plus de citoyens ordinaires, d’habitants craignant de se perdre dans la totalité, aspirent à plus d’humanité, à plus d’urbanité. Ils se retournent et prennent alors le patrimoine en référence.
Le succès du patrimoine croit en conséquence, sous toutes ses formes: succès du tourisme culturel, augmentation de la fréquentation des musées, attachement à l’environnement bâti … jusqu'aux diverses formes de manifestations identitaires.
Quels enjeux pour quels changements? Lutter contre ces aspirations conduirait à l’incrédulité et à l’exaspération d’une grande partie de la population qui, alors, pourrait opter pour des politiques radicales voire intégristes. Ces aspirations d’ordre culturel et social (voire sociétal) ; ne devraient-elles pas guider notre réflexion sur la place du patrimoine, aujourd’hui et demain, dans ce monde de plus en plus globalisé ? L’action culturelle n’a-t-elle pas notamment vocation à devenir aussi une fonction régulatrice dans la recherche d’un équilibre pour permettre un développement socialement et culturellement "soutenable" (de l'anglais "sustainable development" traduit par "développement durable") ? N’est-ce pas une façon de concevoir la culture comme le 4ème pilier du développement durable ?
Françoise Choay formulait ainsi ses interrogations: « Entre notre passé et notre présent s’ouvre aujourd’hui la béance d’une rupture qualitative. (…) comment, à l’instar des autres domaines, est-il possible de redonner vie aux patrimoines anciens et du même coup de récupérer la compétence d’en produire de nouveaux pour les générations futures ? Autrement dit, comment pourrait-on, parallèlement à la production d’équipements performants, normalisés, hors d’échelle et décontextualisés, réactualiser la compétence d’édifier un milieu différencié, contextualisé et articulé à l’échelle humaine ? "
Un équilibre à trouver. L’architecte chinois Wang Shu (Pritzker price 2012, Global award for sustainable architecture ...) exprimait ainsi, pour son pays, l’intérêt de retrouver un équilibre : « China can civilise modernity by its culture » (en français : “ La Chine peut civiliser la modernité par sa culture”).
L’intérêt croissant pour le patrimoine conduit à reconsidérer sa fonction, notamment dans le champ de l’aménagement. L’aménagement des villes et des territoires apparaît aujourd’hui divisé sur deux échelles, deux fronts: l’un global fondé sur un mode réticulé qui s’étend au-delà de toutes limites, l’autre local, à caractère social et culturel, fondé sur le bâti, le lieu habité et le territoire délimité. Le second est principalement culturel. Comment alors considérer leur complémentarité, les relier et les articuler? Peut-on imaginer trouver un équilibre par le jeu de fonctions complémentaires permettant de concevoir aujourd’hui des modes d’aménagement «soutenable» ?
En introduction, il est utile de revenir sur la traduction de l'anglais « sustainable development » par « développement durable », officialisé en 1992 au Sommet de la terre à Rio. La traduction littérale de l'anglais « sustainable » est « soutenable » qui vient du vieux français « sous-tenable », un terme qui signifie à l’origine : ménager, prendre soin de...
Les préoccupations de 1992 ont évoluées, de nouveaux enjeux émergent, l’accent est mis aujourd’hui sur l’habitant et la dimension humaine de la ville, comme en témoignent les débats récents au 7e Forum Urbain Mondial (FUM) de Medellín (Avril 2014, voir la rubrique "9 / FORUM URBAINS MONDIAUX"). Respectons le sens des mots, nous éviterons ainsi de fausser la compréhension et de creuser l’écart entre nos partenaires anglo-saxons et nous. La traduction par « développement soutenable », c’est-à-dire « qui peut se supporter, s’endurer » … par la population, serait mieux approprié. Cette nouvelle traduction ouvre naturellement sur une reconnaissance de la culture parmi les grands enjeux de la ville soutenable (environnementaux, économiques et sociaux).
La culture parmi les grands enjeux de la ville soutenable
L’Inspection des patrimoines a procédé récemment à une estimation du nombre de communes françaises concernées par (au minimum) un label ou une protection au titre du patrimoine. Cette estimation tourne autour de 28 000 soit 2/3 des communes.
Bien entendu cette tendance lourde impose une « orientation radicale » que l'on peut résumer par cette citation de Françoise Choay : « passer d'une protection du patrimoine statique, visant des objets, fondée sur la notion d'inventaire, à une protection dynamique, structurelle, ancrée dans la vie quotidienne... Il faut concevoir le patrimoine urbain comme un terrain de reconquête de l'architecture et du vrai métier d'architecte, un champ d'expérience incitatif, un espace d'apprentissage à l'invention de nouveaux espaces de proximité tant pour les praticiens que pour les usagers »1.
Les dossiers de candidature pour l’obtention du label Ville et pays d’art et d’histoire présentés ces dernières années au conseil national, témoignent de ces évolutions fondamentales. Non seulement ces candidatures sont nombreuses et de plus en plus diversifiées mais toutes ou presque revendiquent l'inscription de leur projet culturel dans un processus de « développement durable ». Trois exemples parmi d'autres :
La ville de Pau écrit en titre de son dossier de candidature: « Le projet urbain et les nouveaux enjeux du XXIème siècle » et en sous titre : « la diversité en héritage ». La ville de Metz écrit : « … Les élus et les responsables locaux ont conscience de l’importance de l’appropriation du patrimoine dans toutes les démarches de développement urbain permettant au passé, au présent et au futur de dialoguer...».
Enfin pour Plaine Commune qui a obtenu l’unanimité au Conseil national du printemps 2014, son Président Patrick Braouzec s'exprime ainsi: « Le regroupement de Plaine Commune (pour candidater au label) s’est fait sur la reconnaissance d’une histoire et d’un destin communs et de la volonté de redonner des perspectives de développement à un territoire meurtri, tout en préservant une identité et un patrimoine forgé au fil du temps... De nombreux lieux uniques et insolites, certains connus, d’autres moins, jalonnent les villes de l’agglomération et représentent une mémoire vivante de l’histoire industrielle mais aussi de l’histoire de l’immigration en France, l’histoire du logement social, etc. En faisant le choix de s’inscrire dans un territoire durable, l’agglomération montre sa capacité à se projeter dans les enjeux de demain, toujours à partir des valeurs de solidarité et de droit à la ville pour tous, mais aussi sa capacité à mettre en perspective son évolution à travers la valorisation et le partage de son patrimoine. »
Développement urbain et politique française à l’international
Le Sénateur Yves Dauge s’exprimait ainsi en 2010 dans le cadre du cinquième Forum Urbain mondial : « une ville qui perd son centre (historique) perd son sens ».
Les défis absents du document préparatoire à Habitat III, mais qui apparaissent en filigrane dans nos actualités de tous les jours, où que ce soit dans le monde, sont ceux consécutifs à l'arasement, voire la perte de sens de nos villes et de nos territoires et des identités locales qui s’y raccrochent. Jamais le patrimoine, matériel ou immatériel, naturel ou culturel, n'a eu autant de succès. Attention à ne pas évacuer trop vite la crise identitaire en la stigmatisant, sous prétexte de « sectarismes » et de « replis passéistes » qui ne sont que les manifestations extrêmes de ce mouvement. N’oublions pas que la France a inventé le concept de « Patrimoine commun de la nation » à la Révolution, dans la mouvance des « droits de l'homme et du citoyen ».
Ces deux concepts, « droits de l'homme et du citoyen » et « patrimoine commun de la nation », ont inspiré de nombreux pays, ils ont forgés notre réputation à l’étranger, ils figurent parmi les principales valeurs françaises connues et reconnues. Dans le champ de la ville et des territoires, ces deux atouts conjugués se traduisent en terme d'urbanité. La dimension humaine de nos villes et notamment de leurs quartiers historiques, est un des grands atouts de la France. À ce titre, il serait intéressant de mesurer l’intérêt de nos partenaires étrangers pour cette urbanité qui fait la réputation de nos quartiers et de nos centres historiques. De nombreuses villes l’ont compris et l’affichent en images sur leur site internet.
En conséquence, ces spécificités culturelles Françaises me semblent devoir être valorisées dans le rapport, notamment pour que tous les pays qui, confrontés de façon parfois brutale à la montée en puissance de revendications identitaires, puissent trouver dans nos processus et nos méthodes, une inspiration, voire, plus simplement, constater que des solutions sont possibles.
Alain Marinos 17 novembre 2014
1: « Pour une anthropologie de l'espace », Seuil 2006
Je prolongerai ces propos par cinq images:
la première est une photo prise du hublot d'un avion quelque part en Chine entre la Mongolie et Pékin. Un lieu superbe … comme il en existe des millions sur terre. Quel avenir pour les habitants qui font corps avec ces paysages construits à la sueur de leur front ? Ils ont le droit à la modernité à laquelle ils aspirent mais, dans le contexte actuel, quelles seront les conséquences en termes culturel, social, environnemental et économique?
Entre cinquante et soixante ans séparent ces deux photos à gauche des paysans Dong (Province du Guizhou en Chine) au début des années 2000 et Bretons à droite (France) à la fin des années 1940. Nous avons vécu en France des évolutions culturelles et sociétales profondes dans la seconde moitié du XXème siècle dont les expériences, bonnes et mauvaises, intéressent au plus haut point les pays dits « émergents » … et beaucoup d'autres confrontés aujourd'hui aux conséquences des mutations sociétales accélérées.
Aujourd'hui ces mutations sont souvent brutales. Pouvons nous considérer le gonflement des bidonvilles comme une fatalité? Un habitant sur sept, dans le monde, vit dans un bidonville, dans cinq ans ONU Habitat prévoit un habitant sur cinq
Quelles que soient les faiblesses de notre expérience française et les adaptations nécessaires de nos systèmes de gestion et de mise en valeur des patrimoines, ils n'en demeurent pas moins réputés dans le monde. La France est principalement reconnue pour ses préoccupations dans les domaines de la culture et des droits de l'homme. En matière d'aménagement, les deux conjugués se traduisent en terme d'urbanité.
Une dernière image sur une action exemplaire conduite par la division de l'UNESCO en charge des sciences sociales et
humaines à l'initiative de Madame Brigitte Colin avec notre participation active: "Des quartiers historiques pour tous: une approche sociale et humaine pour une revitalisation durable" (voir la
rubrique "8/ ... ).
Une citation pour finir de Salma Samar Damluji, Global award for sustainable architecture, invitée par Mireille Grubert à faire la prochaine leçon inaugurale de l'Ecole de Chaillot:
« we dont renovate for the past but for the future ».
Communication faite au séminaire à mi-parcours « Vers la relocalisation des activités et des biens » relatifs au littoral organisé par le MEDDE le 19 mai 2014
Alain Marinos
Inspecteur général des patrimoines au ministère de la Culture et de la Communication
Mes propos feront le lien avec la table ronde suivante relative à l'adhésion des acteurs, en mettant l'accent sur une échelle trop souvent oubliée dans les démarches scientifiques et techniques habituellement engagées.
Certes, les "échelles" ont été évoquées précédemment, il est cependant utile d'insister ici sur la dimension culturelle et sociale à laquelle nous attachons tous personnellement, voire intimement, une certaine importance. Il s’agit de l'échelle du lieu auquel "on appartient" en tant qu’habitant, là où "j’aime vivre" parce que j’ai le sentiment de vivre "chez moi" et pas chez le voisin.
Je crois que cette échelle-là, ou, formulé différemment, cette dimension locale à laquelle l’habitant est attaché, intéresse aujourd’hui de plus en plus face à la crainte de se perdre dans la totalité engendrée par la mondialisation.
Préoccupations des habitants
J'étais en 2014 au 7ème Forum urbain mondial, à Medellín (Colombie), marqué par des évolutions importantes. Il émerge de ces journées de communications et de débats internationaux, une préoccupation relativement nouvelle dans ce type d'événement : la dimension humaine, exprimée en terme de démocratie participative, de prise en compte des habitants dans la ville et les territoires, de souci du lieu et des identités locales, de gouvernance démocratique et d'urbanité. Aux préoccupations environnementales, économiques et sociales sur lesquelles est fondé le concept de développement durable, est venue s'ajouter celle, plus subtile, du "respect de celui qui habite".
Ces quelques lignes extraites de la déclaration de Medellín rédigée à l'issue de ce forum mondial, en témoignent :
( … )
• promouvoir les modèles d'urbanisation qui placent les citoyens au premier rang des priorités,
• promouvoir la gouvernance locale, participative et inclusive et le renforcement des capacités des habitants,
• encourager une planification urbaine participative et intégrée qui permette de renforcer la résilience urbaine au changement climatique et aux catastrophes naturelles
( … )
Passer de la protection à l'évolution soutenable
Un deuxième temps fort, moins remarqué mais tout aussi important, fut la participation active de la Vice-Ministre colombienne de la culture Maria-Claudia Lopez Sorzano.
La Vice-Ministre a organisé et présidé un événement sur les "Paysages du café", de vastes territoires de montagnes habitées, inscrits récemment par l'UNESCO sur la liste du patrimoine mondial de l'humanité.
Le plus intéressant – et cela rejoint ce que vous avez dit sur l'interdisciplinaire – fut la table ronde réunie pour l'événement. Elle était composée de spécialistes de la finance, de l'écologie, de l'urbanisme, de l'agriculture, de la culture, du social... pour réfléchir ensemble à l'avenir de ces territoires.
L'objet du débat n'était pas uniquement de savoir comment protéger ou conserver les paysages et les éléments qui les composent mais, prioritairement, de chercher ensemble comment permettre une évolution raisonnable et respectueuse du territoire, comment à la fois ménager les populations qui les habitent, leurs traditions, leurs cultures et leur permettre d'avoir accès à la modernité à laquelle elles aspirent ? Comment éviter que la mondialisation impose des ruptures dommageables et casse les systèmes sociaux et culturels, comment ménager la valeur des écosystèmes, culturels et naturels, et trouver un équilibre subtil mais indispensable pour un développement "soutenable" (1), c'est-à-dire qui peut se supporter, s'endurer par les habitants.
Différents niveaux de prise en compte des citoyens dans l’élaboration du projet de territoire
Ce détour par le Forum urbain mondial permet de prendre du recul et d'observer, par comparaison, nos pratiques en France. Quand nous évoquons les habitants, comme je l'ai entendu ce matin dans les ateliers, nous pensons concertation sur un projet prédéfini. Une concertation en aval sur un projet élaboré par des experts et des techniciens qui le plus souvent n'ont pas eu d'échanges avec les habitants des lieux considérés.
Or il arrive aujourd'hui de plus en plus fréquemment que la population exprime alors un désaccord conduisant au blocage, voire au conflit ; je pense que ces méthodes sont dépassées.
Les préoccupations évoquées plus haut conduiront, de plus en plus souvent, à ménager un temps préalable pour l'écoute et l'entente entre les habitants-usagers et ceux en charge d'élaborer le programme puis ceux en charge de concevoir le projet. Cette écoute, voire cette participation à la réflexion préalable, doit influer sur sa conception. Si cette concertation en amont est bien réussie, la concertation en aval ne devrait être qu'une formalité permettant de confirmer le bien fondé des choix effectués.
1: Traduction littérale de l'anglais "sustainable"
UNE PAGE SE TOURNE
On ne peut plus aujourd’hui, en cette seconde décennie du XXIème siècle, continuer de former les architectes en référence à ces stars de l’architecture du XXème siècle qui ont bâti leur carrière au service d’une économie florissante, fondant le plus souvent leur actions sur « la table rase » ; ces mêmes architectes qui, pour éviter de se mettre en question, réduisent aujourd’hui le concept de « développement durable » aux seuls efforts techniques utiles aux économies d’énergies. On ne peut plus continuer à enseigner la suprématie de la valeur créative sur la valeur sociale. On ne peut plus conduire nos étudiants en architecture à privilégier le succès médiatique immédiat sur la durabilité. Il n’y a pour s’en convaincre qu’à évaluer l’état actuel de la plupart des bâtiments construits dans la seconde moitié du XXème siècle.
La crise économique actuelle dans un processus de mondialisation avancé nous oblige à repenser radicalement nos références et nos objectifs : une page se tourne …
Nous avons besoin d’architectes capables d’adapter l’existant aux impératifs de ce siècle, tant économiques, sociaux, environnementaux que culturels. Des architectes formés à l’écoute de ceux qui vivent quotidiennement les grands changements de la société pour qu’ils s’approprient l’évolution de leur cadre bâti sans la subir. Des architectes qui sauront conjuguer, au sein d’équipes pluridisciplinaires, les besoins de la mondialisation en marche avec les besoins des habitants; plus le processus de globalisation s’accélère, plus l’attachement identitaire est fort ; c’est une simple question d’équilibre; un équilibre nécessaire à trouver pour un développement "soutenable" ( de l'anglais "sustainable"). Nous avons besoin d’architectes qui sachent, à la fois respecter les lieux bâtis identifiés et à la fois remodeler les espaces déshumanisés afin d’y recréer une vie sociale et favoriser "l’inclusion"[1]. Nous avons besoin d’architectes qui, avant de projeter, feront l’effort de comprendre le contexte bâti, dans un dialogue avec l’usager; des architectes qui feront l’effort de parler leur langue, d’utiliser leurs mots pour que celui d’urbanité prenne enfin un sens dans nos villes et nos territoires.
Le patrimoine n’est pas seulement ce que nous avons, ce que nous possédons, mais aussi ce que nous sommes, la matière dont nous sommes construit.
"CHANGER DE PARADIGME"
Article
Sur le site de La Pierre d’Angle : article “Changer de paradigme”
Lien direct :
Ce sont les quartiers de l’urbanité et de la convivialité qui serviront d'exemple pour bâtir la ville de demain.
Ville et territoires:
CHANGER DE PARADIGME
Texte rédigé dans la perspective de Habitat III et présenté le 31 octobre au "WORLD HERITAGE INSTITUTE OF TRAINING AND RESEARCH FOR THE ASIA AND THE PACIFIC REGION (UNESCO)" puis au "WORLD CITIES DAY - SHANGHAI FORUM"(voir information ci dessus) par Alain Marinos
« Anthropocène » : le géochimiste et prix Nobel Paul Crutzen, désigne ainsi une nouvelle époque géologique : la notre, caractérisée par l'impact des activités humaines sur l'écosystème. « Entrer dans l’anthropocène », c’est dire que nous ne vivons pas une crise passagère. Cette nouvelle époque s'affirmera progressivement par un changement de paradigme dans tous les domaines et notamment ceux relatifs à la ville et aux territoires qui nous intéressent ici.
Dans cette perspective, la plupart des professionnels de l'aménagement semblent d'accord sur l'objectif à poursuivre : concevoir la ville solidaire et inclusive par opposition à la ville exclusive et inégalitaire qui tend à s'imposer aujourd'hui. Quelles seraient alors les orientations majeures à prendre ? Quatre se distinguent clairement:
- Faire valoir l’intérêt d'une stratégie urbaine intégrée qui mette fin à l'addition de projets désolidarisés les uns des autres. Elle s'accompagne d'une planification urbaine stratégique fruit du travail en commun de trois acteurs clairement identifiés: une maîtrise d'ouvrage publique forte, une maîtrise d’œuvre compétente, et une « maîtrise d'usage » active. Cette dernière, introduisant pleinement les habitants et dans certains cas les visiteurs, doit être considérée et valorisée dans le processus stratégique.
- Concilier et équilibrer la « démocratie locale » et la nécessité d'un « gouvernement urbain », pour une juste gouvernance des lieux considérés. La recherche de cet équilibre fragile oblige, d'une part à écouter les habitants, notamment avant l'élaboration du programme d'aménagement (et par conséquence du projet); d'autre part à prendre les décisions sur la base de cette écoute en se dégageant de l'influence exercée par les différents lobbies intéressés.
- Associer les territoires ruraux et les territoires urbains et mettre en évidence leur complémentarité. Ici aussi, un équilibre est à trouver entre des territoires ruraux délaissés et des agglomération sous pression. Des alliances et des partenariats peuvent aider à faire baisser la pression sur les grandes agglomérations tout en revitalisant les petites villes et les campagnes. En qualité de délégué national de l'Association des Petites Cités de Caractère de France, je mesure les enjeux et les atouts que représentent ces petites cités, notamment parce que l'échelle urbaine/humaine qui les caractérise permet d’expérimenter, plus facilement que dans les agglomérations, des processus « bottom-up » innovants.
- Placer la culture et principalement le « vivre ensemble » les différentes cultures, au cœur des préoccupations de développement durable. Sur ce sujet, le mot « soutenable » apparaît mieux approprié. N'est-il pas l'exacte traduction de l'anglais « sustainable », c'est à dire « qui peut se supporter, s'endurer » ? On ne peut plus ignorer les phénomènes migratoires qui font l'actualité, or ces phénomènes risquent d'augmenter fortement avec les dérèglements climatiques à venir. Quelles conséquences ces migrations auront-elles sur la ville et les territoires, ne devons-nous pas y réfléchir dès maintenant et contribuer à ce que tous s'y préparent ? Je ne veux pas noircir le tableau en rappelant la croissance, dans le monde entier, des replis identitaires voire sectaires et les événements violents, qui ont marqué récemment, de façon indélébile, plusieurs grandes villes emblématiques comme Paris et Bruxelles. Au regard de ces événements, le peu de place donnée, aujourd'hui, à la culture dans la ville peut surprendre. « Faire vivre ensemble les différentes cultures » ne devrait-il pas être un des thèmes majeurs porté par la France ?
Les lieux et les quartiers de la culture et du patrimoine sont le plus souvent ceux de l’urbanité et de la convivialité. Ce sont ces lieux et ces quartiers qui serviront d'exemple pour bâtir la ville de demain; mais, comme évoqué au début de cette intervention, il nous faudra préalablement « changer de paradigme ».
Ce sont les lieux de l’urbanité et de la convivialité qui serviront d'exemple pour bâtir la ville de demain.
(architecture et patrimoine) par Florence Contenay, Benjamin Mouton et Jean-Marie Pérouse de Monclos. Editions des Cendres et Cité de l'architecture et du patrimoine 11/2012
Patrimoine et développement durable. Renaissance des cités d'Europe - 2012/11 éditions confluences.
Heritage is not only what we have, what we own, but also what we are, the matter we are build from.
"Why cultural heritage preservation is needed at globalization time?" Article in english and in Chenese - "Tamsui Journal", New Taipei City 251 . Taiwan